Enjeux et défis

Quels sont les enjeux associés à l’élevage d’insectes ?

Contexte

Depuis un rapport de la FAO paru en 2013, l'élevage d'insectes a suscité un intérêt croissant, présenté comme une solution potentielle aux  défis environnementaux liés à l’élevage conventionnel, comme la déforestation en Amazonie.

La France abrite certains leaders du secteur, comme Innovafeed ou Ynsect, ce dernier ayant reçu plus de 500 millions de dollars de financements privés et publics, notamment de la Banque Publique d’Investissement.

Alors que des études récentes, publiées dans des revues à comité de lecture, remettent en question les promesses de durabilité formulées par l’industrie, les témoignages de plusieurs acteurs du secteur et scientifiques soulignent également les difficultés rencontrées par l’élevage d’insectes pour parvenir à une forme de compétitivité économique.

Le développement de l’élevage d’insectes s’accompagne de défis majeurs

L'ONEI, après une analyse approfondie ayant abouti à la rédaction de plusieurs articles scientifiques, souligne plusieurs défis majeurs associés à l’élevage d’insectes :

Une substitution peu probable de la viande par les insectes

Malgré une communication souvent centrée sur cet aspect, l'ONEI observe que le remplacement de la viande par des insectes se heurte à de forts problèmes d'acceptabilité sociale. Environ 95% des investissements dans ce secteur sont destinés à l'alimentation animale, et parmi les produits destinés à l'alimentation humaine, seulement un sur dix est un substitut à la viande. De plus, ces substituts présentent généralement un impact environnemental supérieur à celui des alternatives végétales et sont bien moins acceptés par les consommateurs. En ce sens, il est peu probable que l’élevage d’insectes permette de réduire significativement l'impact environnemental de la consommation de viande. 

Une concurrence avec des produits à faible impact environnemental

Loin de remplacer la viande, les produits à base d'insectes pour la consommation humaine se trouvent majoritairement en concurrence avec des produits ayant déjà un faible impact environnemental : snacks, pâtes, biscuits, etc. Cette situation pourrait aboutir à une empreinte environnementale accrue des produits à base d’insectes, contrairement aux attentes initiales.

Des défis économiques importants

Le coût de l’alimentation animale à base d’insectes est deux à dix fois plus élevé que celui des produits communément utilisés pour l’alimentation animale. La plupart des industriels rencontrent d'importantes difficultés pour développer l’élevage d’insectes à l’échelle industrielle tout en réduisant suffisamment les coûts. Plusieurs entreprises importantes du secteur ont récemment fait faillite ou se sont retrouvées contraintes de licencier une part importante de leur masse salariale, comme Ynsect. En raison de contraintes économiques importantes, certaines études estiment que les insectes ne représenteront qu'une faible part du marché de l'alimentation animale dans les années à venir.

Une faible utilisation de déchets

Plutôt que de valoriser des déchets, comme cela est souvent mis en avant lorsqu’on parle du potentiel des insectes, la majorité des élevages d'insectes utilisent aujourd’hui des coproduits agricoles, souvent à base de céréales. Ces ressources sont généralement déjà utilisées pour l'alimentation animale, et lui font ainsi concurrence tout en ne constituant pas nécessairement des déchets. Beaucoup d’entreprises du secteur axent leur communication sur la contribution de l’élevage d’insectes à l’économie circulaire, mais dans la pratique ce potentiel semble actuellement limité. 

Un impact environnemental plus important pour l’alimentation animale…

L’alimentation animale (feed) à base d’insectes a tendance à avoir un impact environnemental accru par rapport au feed à base de soja ou de farine de poisson, notamment en termes d'émissions de gaz à effet de serre, de consommation énergétique, et de consommation d’eau. L’utilisation de déchets étant limitée par des contraintes logistiques, réglementaires, sanitaires et économiques, l’industrie préfère nourrir ses insectes avec des produits sûrs et facilement disponibles en large quantités - comme ceux déjà utilisés pour l’élevage conventionnel. Or nourrir des insectes avec des coproduits agricoles, puis nourrir d’autres animaux avec des insectes, est moins efficace et donc plus impactant pour l’environnement que de nourrir directement ces animaux avec ces coproduits agricoles.

… comme pour les produits à destination des animaux de compagnie

Les aliments pour animaux de compagnie représentent la moitié du marché de l’industrie de l’élevage d’insectes. Or, l’impact environnemental d’aliments à base d’insectes est souvent plus lourd que celui de la nourriture pour animaux traditionnelle, qui repose généralement sur les coproduits de l’élevage conventionnel.

Des risques pour la biodiversité 

Des chercheurs ont soulevé des incertitudes concernant les impacts sur la biodiversité en cas de relâchement ou de fuite accidentelle d’insectes d’élevage dans la nature, en particulier ceux sélectionnés ou modifiés génétiquement.

Pour plus de détails sur les enjeux environnementaux, lire l’article suivant : Les insectes sont-ils vraiment la nourriture du futur ?

Recommandations de l'ONEI

Face à ces défis, l'ONEI recommande une évaluation rigoureuse des pratiques d'élevage d'insectes et encourage la recherche de solutions alternatives plus performantes sur le plan environnemental

Recommandations pour les décideurs politiques

  • Évaluation environnementale approfondie

    • Avant d'adopter des politiques de soutien à l'élevage d'insectes à grande échelle, comme des subventions ou des autorisations réglementaires, un moratoire peut être envisagé jusqu'à ce que des preuves démontrent un impact environnemental nettement positif du secteur.

  • Optimisation des ressources 

    • Éviter l'utilisation de matières premières adaptées à la consommation humaine ou animale pour l'élevage d'insectes.

  • Considérations sur les déchets 

    • Avant d'approuver d’autres types de déchets alimentaires comme nourriture pour insectes, prendre en compte non seulement les conséquences sanitaires possibles, mais aussi les conséquences environnementales et économiques non intentionnelles, telles que la concurrence avec d'autres utilisations (comme la production d'énergie).

  • Alternatives à l'utilisation d'insectes 

    • Avant d'utiliser des insectes, évaluer si d'autres stratégies, telles que l'amélioration de la gestion des ressources existantes (ex. soja), pourraient être plus efficaces.

  • Sécurité alimentaire 

    • Considérer que les régions ayant une main d'œuvre moins chère et des températures plus élevées, comme l’Asie du Sud-Est, puissent être plus compétitives économiquement que la France pour cette industrie, et qu’elle soit à risque d’être délocalisée. Ce point est important, car le secteur bénéficie du support de la recherche publique, notamment l’INRAE. La température optimale pour la croissance des insectes étant de 30°C, les climats tempérés sont désavantagés.

  • Risques d’espèces invasives 

    • Conduire des recherches approfondies avant d’autoriser l’élevage de nouvelles espèces d'insectes pour minimiser les risques liés aux espèces invasives et/ou génétiquement modifiées.

Nos travaux

Les sources des affirmations ci-dessus peuvent être retrouvées dans les papiers scientifiques suivants auxquels nous avons participé et actuellement accessibles en prépublication. Ils couvrent différents thèmes: Performance environnementale du secteur, compétitivité économique, freins à l’utilisation de déchets et acceptabilité des consommateurs.

Un rapport en français sera également bientôt disponible pour le grand public. La version anglaise peut être consultée sur demande.

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